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Vendredi, 17 octobre.

Mon cher monsieur Hébrard,

Voici un fragment de mémoires autobiographiques qui m’a paru digne d’être communiqué aux lecteurs de votre journal. L’auteur est un de ces jeunes Russes trop nombreux par le temps qui court, dont les opinions ont été jugées dangereuses et punissables par le gouvernement de mon pays. Sans approuver nullement ses opinions, j’ai cru que le récit naïf et sincère de ce qu’il a eu à souffrir pourrait, tout en excitant de l’intérêt pour sa personne, servir à prouver combien la prison cellulaire préventive est peu justifiable aux yeux d’une saine législation. J’espère que vous serez frappé comme moi par l’accent de vérité qui règne dans ces pages, ainsi que par l’absence de récriminations et de reproches inutiles, sinon déplacés. Vous verrez que ces nihilistes dont il est question depuis quelques temps, ne sont ni si noirs, ni si endurcis qu’on veut bien les représenter.

Recevez, mon cher monsieur Hébrard, l’assurance de mes meilleurs sentiments,

Ivan Tourguéneff

Nous n’avons qu’un mot à ajouter au récit qu’on vient de lire. L’auteur après être resté quatre années en prison, fût jugé et condamné à 6 mois de détention. On lui en fit grâce en considération des quatre années de prison qu’il avait déjà subies, et il fut mis en liberté. Mais fort peu de temps après il fut arrété de nouveau, et, comme beaucoup d’autres jeunes gens, envoyé en exil dans une petite ville du nord de la Russie. S’y trouvant sans moyen d’existence et ne prévoyant aucune amélioration de son sort, il prit le parti de s’enfuir et le mit à éxécution.